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Réindustrialisation
Nouvel épisode de notre série consacrée aux dynamiques de la réindustrialisation, nous vous proposons un éclairage sur les différents mouvements de relocalisations des entreprises en France. Explications en détail avec deux entreprises relocalisées en France qui insufflent un nouveau souffle à l’industrie française.
🎯 Les défis des relocalisations industrielles en France
Elle semble lointaine l’époque où Serge Tchuruk, PDG d’Alcatel (télécommunications) déclarait « Alcatel doit devenir une entreprise sans usines » (2001), délocalisant par la même occasion l’ensemble de ces centres de production dans des « pays ateliers » (Asie du Sud-Est, Maghreb, Europe de l’Est.). Alors que le PIB de l’industrie en France représentait 20% du PIB national au milieu des années 1980, le secteur industriel paie aujourd’hui le prix de nombreuses années de délocalisation et ne représente aujourd’hui que 13% du PIB national.
Pour dynamiser le secteur industriel, le Plan de relance adopté par le gouvernement en 2020 décide de consacrer plus de 35 milliards d’euros à différents programmes d’envergure de soutien à l’industrie, notamment afin de favoriser la relocalisation de la production en France. 65 projets de relocalisations ont ainsi bénéficié, dans le cadre du Plan de relance, d’un investissement supérieur à 1 milliard d’euros et de 268 millions d’euros d’aide publique. Ce dispositif doit permettre, selon le Ministère de l’Economie, de participer à la création de 3 000 emplois industriels directs dans nos territoires et de conforter 7 000 emplois déjà existants.
Cette dynamique de réindustrialisation s’inscrit dans une réflexion plus globale sur la souveraineté économique de notre production industrielle. Comme le souligne Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée de l’Industrie : « La crise sanitaire a révélé de profonds enjeux de souveraineté, que nos prédécesseurs ont trop longtemps négligés. Elle a mis en lumière l’urgence de maîtriser des technologies stratégiques. Depuis quatre ans, notre priorité, c’est la reconquête de notre autonomie stratégique. C’est pour cette raison que le Gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République, a fait de la réindustrialisation une priorité. » À cet enjeu de souveraineté économique s’ajoute l’intérêt croissant porté à la question du Made in France par les entreprises françaises, évoqué notamment dans notre article La réindustrialisation en France, tour d’horizon en 2022.
💊 Le paracétamol est de retour en Isère avec Seqens !
Depuis la fermeture de la dernière usine du groupe française Rhodia, l’antalgique bien connu n’était plus produit sur le territoire français depuis 2003. Grâce au groupe Seqens, le paracétamol sera prochainement produit en Isère. En effet, le groupe Seqens travaille à la construction d’une nouvelle unité de production de paracétamol en France, sur son site de Roussillon, produit dont un tiers des besoins européens sont assurés depuis son usine chinoise. Comme l’explique Pierre Luzeau, PDG du groupe : « Aujourd’hui, il n’existe aucune production en Europe. Tout vient d’Inde, de Chine et des Etats-Unis, pays dont l’Europe dépend donc complètement. Au plus fort de la crise du Covid-19, seule la moitié des besoins européens était couverte en raison d’un effondrement des importations. Fort de ce constat, Seqens s’est mobilisé. Nous développons de nouveaux procédés propres et compétitifs pour construire une unité, dont la capacité atteindrait jusqu’à 30 % du marché européen à l’horizon 2023-2024 ».
Par ailleurs, le groupe prévoit la mise en place d’une unité de production d’antiviraux et d’anticancéreux sur le site d’Aramon dans le Gard : « Le coût des deux projets s’élève à 65 millions d’euros. Nous sommes en cours de négociations avec l’Etat sur les modalités et le montant de leur aide. Nous aurons la réponse d’ici à quelques semaines. Dans les trois années à venir, nous devrions créer jusqu’à 100 emplois directs et 300 emplois indirects », détaille Pierre Luzeau, le PDG du groupe. Bel exemple d’une dynamique de relocalisation industrielle qui participe autant à la souveraineté économique nationale qu’à la création d’emplois industriels sur le territoire français.
🛵 Des scooters électriques produits au Mans !
L’entreprise Red Electric, dont la production de scooter électrique était sous-traitée en Chine, relocalise ses activités dans la Sarthe. En effet, l’industriel sarthois Chastagner se charge à présent de la production avec pour objectif de produire quelque 10 000 scooters dans l’usine. Cette nouvelle direction stratégique permet de fabriquer « made in France » un produit de plus en plus plébiscité par les Français, notamment par les habitants des centres-villes de grandes métropoles.
Comme l’explique Bertrand de La Tour d’Auvergne, directeur général de Red Electric « C’est un tournant majeur pour RED Electric. Assembler en France est un challenge passionnant qui implique la création de nombreux emplois directs et indirects associés. Nous révisons l’intégralité de notre Supply-Chain en circuits aussi courts que possible. Car, selon nous, un constructeur français ne peut être produit qu’en France ! Nous avons recruté pour ce faire des compétences d’un niveau très élevé – provenant du monde automobile pour la plupart. »
Selon Bertrand de La Tour d’Auvergne, cette possibilité d’une relocalisation en France est le fruit d’une tendance relativement récente, portée par l’attrait du made in France et l’engouement lié au scooter électrique en France : « Un mouvement sociétal s’est créé. De nouveaux intervenants sont arrivés. Une compétitivité s’est créée en France. Les distributeurs eux-mêmes, comme la Fnac et Darty, se sont engagés vers la mobilité légère électrique pour compenser certaines activités. À notre grande surprise, les études et plans industriels élaborés ont montré que le coût de revient d’un scooter produit en France est inférieur ou égal à ce que l’on observe en Asie ». Alors pourquoi relocaliser en France ? On peut affirmer, sans trop de doute, qu’entre intérêts économiques, autonomie stratégique et intérêt porté au made in France, les relocalisations industrielles en France ont un bel avenir devant elles.